Le Suicidé, vaudeville soviétique

de Nicolaï Erdman
traduction André Markowicz
mise en scène Jean Bellorini

  • Création

Du au

salle Roger-Planchon

2h15 du mardi au samedi à 20h sauf jeudi à 19h30,
dimanche à 15h30, relâche le lundi,
relâche exceptionnelle mardi 10 janvier

  • À propos

    Union soviétique, fin des années 1920. Nous sommes dans un immeuble communautaire où les appartements sont séparés par de minces cloisons. En pleine nuit, Sémione Sémionovitch, chômeur et miséreux, tente de soulager sa faim en avalant un saucisson de foie. Il réveille sa femme, une dispute éclate et le piteux héros disparaît en menaçant de pousser bientôt « son dernier soupir ». Sa femme, persuadée qu’il va mettre fin à ses jours, appelle à l’aide. La nouvelle se répand, attire le voisinage et bientôt c’est toute une galerie de personnages qui se presse pour s’approprier le funeste événement. Emporté malgré lui dans ce bal macabre, Sémione entrevoit la gloire posthume qu’on lui fait miroiter et finit par se prendre au jeu : en se tuant, pourrait-il enfin devenir quelqu’un ?

    Écrite à la charnière capitale des années vingt et trente, la pièce est interdite avant même d’avoir pu être jouée. Victime de la politique autoritaire et répressive menée par le pouvoir soviétique, Nicolaï Erdman est arrêté, peu après l’écriture du Suicidé, pour avoir signé un petit poème satirique sur Staline. Ses deux pièces (Le Mandat et Le Suicidé) sont définitivement interdites, il est envoyé trois ans en déportation puis assigné à résidence. Il ne reprendra jamais sa carrière de dramaturge, gardant toujours en lui « une peur éternelle ». Un sentiment de peur dont est pétri le « héros » du Suicidé, Sémione Sémionovitch, et qui nourrit chacun de ses monologues métaphysiques et angoissés. Enveloppe vide, être médiocre et insignifiant, Sémione ne semble prendre consistance que dans le regard intéressé d’autrui. Et, au seuil de sa propre mort, il est enfin parcouru par un souffle de vie – chuchotement terrible et suspendu. Tic, tac.

    Dans la tradition satirique d’un Gogol, mêlant lucidité féroce et comique grotesque, Nicolaï Erdman convoque ici petites gens, notables, ecclésiastiques, commerçants – archétypes bouleversants et pathétiques – qui persistent à trouver un sens à leur existence bien que tous les repères en aient été détruits. Dans cette société meurtrie et asphyxiée, un simple mensonge peut révéler des impostures en chaîne, jusqu’à la déflagration finale.

    Le texte de Nicolaï Erdman continue de retentir avec force tant il recèle une critique virulente de tous les régimes politiques oppressifs ainsi qu’une réflexion mordante sur le sens de l’existence. L’histoire de ce petit homme pathétique qui se démène dans le chaos interpelle notre époque, nos désirs, nos résignations. Comment résister à l’oppression sans être un héros ?

    Jean Bellorini et sa troupe de comédiens, chanteurs et musiciens s’aventurent dans cette farce politique aussi savoureuse que glaçante, à la mécanique implacable et aux allures de vaudeville. Le travail choral, la musique jouée sur scène, les costumes signés par Macha Makeïeff font jaillir l’humour et la folie d’une partition qui avance au rythme débridé de la traduction d’André Markowicz. Et à l’arrivée, quand les décors et les masques tombent, le théâtre demeure, comme une immense déclaration d’amour à la vie.

    Audiodescription
    → jeudi 12 et dimanche 15 janvier

    Infos pratiques

  • Biographies

    Nicolaï Erdman

    Il est né à Moscou en 1900. Jeune homme, il découvre le poète Vladimir Maïakovski, rejoint le mouvement d’avant-garde des « Imaginistes » et publie ses premiers poèmes. Très vite, grâce à son frère Boris, peintre de théâtre, il produit ses premiers écrits pour la scène. En 1924, il lit Le Mandat aux acteurs de Vsevolod Meyerhold. La pièce se révèle être une satire impitoyable de la Nouvelle politique économique (NEP) mise en œuvre en Russie bolchévique à partir de 1921. La première de la pièce, montée par Meyerhold, a lieu le 20 avril 1925. C’est un triomphe, elle sera jouée 350 fois et reprise dans toute l’Union soviétique. Mais en 1930, elle est retirée de l’affiche et ne sera montée de nouveau qu’après la mort de Staline et le XXe Congrès du Parti communiste, en novembre 1956. Et il faut attendre 1987, avec la Perestroïka, pour qu’elle soit publiée.

    Après Le Mandat, Nicolaï Erdman qui connaît une gloire soudaine et une époque de grande activité voyage en Allemagne et en Italie, rencontre de grands écrivains comme Maxime Gorki, se marie et commence une activité de scénariste de cinéma, notamment pour Boris Barnet.

    En 1928, il donne sa seconde pièce, Le Suicidé, à Vsevolod Meyerhold. Constantin Stanislavski s’y intéresse à son tour. Mais en octobre 1932, avant même la première représentation, la pièce est interdite. Motif : « politiquement fausse et extrêmement réactionnaire ». Le pouvoir politique est entre les mains de Staline et dans le domaine littéraire toute tendance suspecte est éliminée, tous les « déviants » réduits au silence. Erdman est prié de se taire, c’est la fin de sa carrière de dramaturge. Il faudra attendre 1982 pour que Le Suicidé soit joué en URSS.

    En octobre 1933, suite à l’écriture d’un petit poème satirique sur Staline, Erdman est arrêté en et condamné à trois ans d’exil en Sibérie. Il reçoit l’autorisation de retourner à Moscou après la guerre, en 1949, mais une « peur éternelle » ne le quittera jamais. Il écrit pour le cirque, fait des adaptations pour le théâtre mais renonce à son activité de dramaturge. Il vit essentiellement du cinéma, participant à l’écriture de scénarii. Son nom est à l’affiche de la comédie musicale Volga Volga qui sera récompensée par le Prix Staline en 1941. Un second prix Staline lui est remis en 1951, pour le scénario des Audacieux de Konstantin Youdine. On lui doit aussi une trentaine de scénarios pour des dessins animés dont de grands classiques du cinéma russe comme les Douze mois (1956) et La Reine des neiges (1957).

    En 1964, il devient consultant au Théâtre de la Taganka, dirigé par louri Lioubimov. Mort à Moscou en 1970, il est enterré au cimetière Donskoï.

    André Markowicz

    Né en 1960, il a passé ses premières années en Russie. Depuis 1981, il a publié plus d’une centaine de volumes de traductions, d’ouvrages de prose, de poésie et de théâtre. Il a participé à plus d’une centaine de mises en scène de ses traductions, en France, au Québec, en Belgique ou en Suisse. Il a traduit l’intégralité des œuvres de fiction de Fédor Dostoïevski pour les éditions Babel/Actes sud (45 volumes), le théâtre complet de Nicolas Gogol, Du malheur d’avoir de l’esprit d’Alexandre Griboïédov, les pièces d’Alexandre Pouchkine (Scènes dramatiques et Boris Godounov) et son roman en vers Eugène Onéguine, le Bal masqué de Mikhaïl Lermontov, Cœur ardent, La Forêt et L’Orage d’Alexandre Ostrovski, ainsi qu’une quarantaine d’autres pièces d’auteurs aussi différents qu’Alexandre Soukhovo-Kobyline, Léon Tolstoï, Leonid Andreev, Maxime Gorki, Nicolas Erdman, Evguéni Schwartz, ou Alexandre Vvédenski. Il a traduit, en collaboration avec Françoise Morvan, le théâtre complet d’Anton Tchekhov et Le Songe d’une nuit d’été, puis, seul, quatorze pièces de William Shakespeare. En 2011, dans Le Soleil d’Alexandre, il rassemble et présente les poèmes et la vie des poètes de la génération d’Alexandre Pouchkine. Il a publié quatre recueils de poèmes : Figures, Les gens de cendre, L’emportement et Herem. Ses derniers livres sont parus aux éditions Inculte : Partages, Ombres de Chine et L’Appartement. Il est lauréat du prix de traduction Nelly Sachs 2012. En 2019, il cofonde avec Françoise Morvan les éditions Mesures.

    Jean Bellorini

    Jean Bellorini est un metteur en scène attaché aux grands textes dramatiques et littéraires. Ses spectacles mêlent étroitement théâtre et musique. Il monte Tempête sous un crâne d’après Les Misérables de V. Hugo, Paroles gelées d’après Rabelais (Molière de la mise en scène), La Bonne Âme du Se-Tchouan de B. Brecht (Molière du meilleur spectacle du théâtre public), Liliom de F. Molnár ou encore Karamazov d’après le roman de Dostoïevski, créé pour le Festival d’Avignon 2016.

    Nommé en 2014 à la direction du Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis, il crée Un instant d’après Proust et Onéguine d’après Pouchkine et invente la Troupe éphémère, composée d’adolescents avec qui il monte chaque saison un spectacle. Il travaille pour l’opéra et à l’étranger, et collabore avec les troupes du Berliner Ensemble, du Théâtre Alexandrinski de Saint-Pétersbourg et, au printemps 2022, du Teatro di Napoli pour la création Il Tartufo.

    Depuis 2020, il est directeur du TNP. Sa création Le Jeu des Ombres de Valère Novarina est présentée lors de la Semaine d’art en Avignon. En 2022, il est invité par le Teatro Di Napoli – Teatro Nazionale et crée avec la troupe d’acteurs italiens Il Tartufo de Molière, dans une traduction de Carlo Repetti.

  • Distribution

    avec François Deblock, Mathieu Delmonté, Clément Durand, Anke Engelsmann, Gérôme Ferchaud, Julien Gaspar-Oliveri, Jacques Hadjaje, Clara Mayer, Liza Alegria Ndikita, Marc Plas, Antoine Raffalli, Matthieu Tune, Damien Zanoly
    avec la participation de Tatiana Frolova

    cuivres Anthony Caillet
    accordéon Marion Chiron
    percussions Benoit Prisset

    collaboration artistique Mélodie-Amy Wallet
    scénographie Véronique Chazal et Jean Bellorini
    lumière Jean Bellorini
    assisté de Mathilde Foltier-Gueydan
    son Sébastien Trouvé
    costumes Macha Makeïeff
    assistée de Laura Garnier
    coiffure et maquillage Cécile Kretschmar
    vidéo Marie Anglade
    construction du décor et confection des costumes les ateliers du TNP
    remerciements Macha Zonina et Daredjan Markowicz

    La pièce est publiée aux éditions Les Solitaires Intempestifs.

    • production Théâtre National Populaire
    • coproduction Espace Jean Legendre – Théâtre de Compiègne ; Maison de la Culture d’Amiens ; La Coursive, scène nationale de La Rochelle

    En partenariat avec :

  • Documentation

    Pour les enseignants

    Un espace ressource pour plonger dans la création !
    Découvrez les coulisses du TNP et le travail de création : documents autour du texte, de la mise en scène, de la scénographie, des costumes… et propositions d’exercices à mener avec vos groupes.

  • Vidéo

  • La presse en parle

    Entretien avec Jean Bellorini, metteur en scène et François Deblock, comédien
    A écouter à l’émission Théâtre & Vous – RCF Lyon

    Perdues dans l’espace si large, les tribulations vociférantes de Sémione – traduites crûment par André Markowicz – se cognent à des portes tombées d’en haut. Accordéon, cuivres et percussions accompagnent en direct ses errances jusqu’au tableau central : un spectaculaire banquet décomptant les minutes avant ce suicide désiré par tous d’un homme de plus en plus seul. Sémione, en slip, debout sur la table, goûte son quart d’heure de célébrité en chantant Creep, de Radiohead. Là est la force du spectacle : insuffler mille détails sensibles et drôles pour ne pas désespérer le public. Et rendre ainsi justice à cette ironie si noire de Nicolaï Erdman. Télérama, Emmanuelle Bouchez

    « Nicolaï Erdman, une fureur de vivre russe à Villeurbanne.
    Jean Bellorini ressuscite avec brio «Le Suicidé», comédie géniale sur la dépression d’une société soviétique confite dans la terreur. » Le Temps

    « L’histoire de la pièce, qui fut interdite avant même d’être jouée, et sa cible, la violence et l’oppression d’un régime autoritaire sur l’individu, résonnent inévitablement avec l’actualité en Europe, sans toutefois étouffer la portée universelle de l’oeuvre. Ces brefs rappels à la réalité, lorsqu’ils sont soulignés par les notes mélancoliques de l’Adagio de Bach ou de la Sérénade de Schubert, viennent chercher loin le public, comme pour lui dire qu’il n’a d’autre choix que de prendre cette comédie au sérieux. » La Croix

    « Le suicidé au TNP, notre coup de cœur.
    C’est le plus beau spectacle signé par Jean Bellorini depuis qu’il est aux commandes du TNP. Alliant de façon bouleversante le comique au tragique, sur un rythme effréné entretenu par la musique jouée en live, la pièce nous colle aux basques d’un homme (interprété avec une incroyable justesse par François Deblock) qui a décidé de se suicider. Et qui prend alors une importance inattendue à ses yeux et celui de son entourage. Léger et profond, émouvant et drôle, magistral !  » Le Progrès

    « On a adoré Le Suicidé, le grand spectacle de la rentrée de Jean Bellorini au TNP.
    Le public rit sans cesse des échappées surréalistes de cet anti-héros naïf en slip blanc harcelé par la  » conscience sociale de l’intelligentsia (extraordinaire Damien Zanoly en commissaire absurde du régime). Dans la vision joyeuse et lucide de Jean Bellorini , la farce est même une comédie musicale dans laquelle les comédiens sont aussi chanteurs et musiciens. Dans une scénographie splendide, Jean Bellorini parvient surtout à faire de ce chef-d’œuvre aux ruptures de ton permanentes typique de la culture russe, un récit fluide et parfaitement rythmé à travers différents niveaux de réalité.  » Exit mag

    « Jamais Bellorini n’a autant su allier son art de la scénographie, qui se révèle au gré de son travail millimétré de la lumière, à sa volonté de créer une quasi comédie musicale avec son éternel complice Sébastien Trouvé trio en live durant les 2h20. La ritournelle du groupe Europe ( The Final Countdown) est sifflotée par la troupe (16 au plateau !). » Le Petit Bulletin

    « Jean Bellorini fait un peu le tri et convoque sur le plateau treize actrices et acteurs familiers de ses spectacles, emmenés par l’excellent François Deblock dans le rôle de Sémione Sémionovitch. Trois musiciens – Anthony Caillet (cuivres), Marion Chiron (accordéon) et Benoît Prisset (percussions) – assurent avec brio la partition musicale, très présente comme souvent dans les spectacles de Jean Bellorini, lequel cosigne une vaste scénographie trouée avec Véronique Chazal. » Le Club de Mediapart

    « François Deblock, inoubliable dans le rôle-titre Quant aux acteurs, citons d’abord François Deblock avec sa silhouette longiligne, son air perdu et effaré, magnifique acteur dont la présence incarne cet innocent débordé par son destin qui ne veut plus qu’une chose : vivre encore. Ou encore Jacques Hadjaje en belle-mère, et d’autres encore comme, bien sûr, le grand Marc Plas. Derrière cette histoire qui court à vive allure et dans tous les sens, reste un débat entre une réalité immanente, cette prégnance du besoin élémentaire – et alimentaire – et le coup de chapeau à ceux qui trouvent encore le courage Les Trois Coups 5 janvier 2023 de sauter par la fenêtre, comme le rappeur Ivan Petunin refusant l’enrôlement dans l’armée russe en Ukraine et comme Boulgakov capable d’écrire à Staline pour demander la grâce de son ami Nicolaï Erdman. Cet entrelac d’époques serre le cœur et donne à ce Suicidé une portée universelle. Du beau, du bon théâtre. » Les Trois Coups

    « Jean Bellorini prouve, une nouvelle fois, qu’il est un homme de troupe, en mesure d’insuffler au plateau cette envie de vivre qui permet aux personnages du Suicidé de survivre. Des costumes de Macha Makeïeff aux lumières, de la scénographie de Véronique Chazal à la musique jouée avec entrain Sceneweb 18 décembre 2022 par Marion Chiron, Anthony Caillet et Benoît Prisset, tout concourt à créer une ambiance scénique séduisante et vectrice d’une énergie débordante. » Sceneweb

    « Lumières ciselées transformant l’espace en cène de Vinci , en couloirs d’immeuble ou en catafalque rappelant, bien évidemment, le Mausolée de Lénine situé sur la Place Rouge, jeux burlesques exacerbant les traits caricaturaux des personnages, musique jouée en direct ponctuant les dialogues ubuesques, leur utilisation efficace et intelligente de la vidéo noir et blanc une première pour le directeur du TNP-Villeurbanne , ancrant ainsi l’oeuvre dans le présent, tout en lorgnant sur l’oeuvre de Chaplin et celle de Keaton , le metteur en scène déploie, avec malice et ingéniosité, poésie, humour décalé, pantomime et autres singeries. Sans jamais céder à l’exigence qui caractérise son travail, il signe un spectacle drôle et noir.  » L’œil d’Olivier

    « Un spectacle magnifique, empreint de poésie et de réflexion philosophique, à hauteur des exigences collectives de ce que l’appellation de « théâtre populaire » veut dire, où excellent de grands comédiens – athlètes intenses du verbe et de la scène d’une troupe dynamique et réactive.  » WebThéâtre

  • Rendez-vous

    • Table ronde : Le monde sur un plateau
      C’est quoi résister ?
      une rencontre animée par Nadja Pobel, critique au Petit Bulletin
      à la médiathèque de Vaise
      samedi 7 janvier à 16h
    • Passerelle Cinéma
      Une femme douce de Sergeï Loznitsa
      en présence de Jean Bellorini
      au Comœdia, Lyon
      dimanche 8 janvier à 11h15
      *sur présentation du billet de spectacle : 5€ la place de cinéma
      *sur présentation du ticket de cinéma : 20€ plein tarif/ 12€ tarif réduit
    • Le jeudi du TNP
      rencontre après spectacle
      jeudi 12 janvier
    • Stage de pratique théâtrale
      encadré par Jacques Hadjaje
      au petit théâtre, salle Maria-Casares
      accueil et découverte du spectacle
      vendredi 13 janvier
      atelier jeu
      samedi 14 janvier de 14h à 17h et dimanche 15 janvier de 10h à 13h
    • Théâtromôme
      garderie artistique le temps du spectacle
      dimanche 15 janvier