Saison 2020-2021 : Édito de Jean Bellorini
…Parce qu’il nous faut préserver les lieux de création, ces lieux de la pensée, où l’on invente, où l’on s’interroge sur le passé et où l’on questionne l’avenir.
Pour un théâtre profondément ancré dans son territoire.
Parce que nous devons conserver au centre de notre monde ces espaces où il est permis d’exprimer nos incertitudes, notre fragilité, nos difficultés à dire et à entendre.
Chers spectateurs, chères spectatrices, tout d’abord, je vous remercie chaleureusement de tous vos soutiens, vos gestes solidaires, vos écrits, manifestations et témoignages qui nous ont aidés à garder de l’enthousiasme durant ce temps si difficile à qualifier.
En cette période de ralentissement forcé des activités humaines, nous avons ressenti un immense manque. Le manque de ce qui est palpable même si invisible pour les yeux. Le manque du mouvement de la vie. Même si celui-ci a parfois repris une valeur toute particulière et primordiale. La bienveillance, le soin apporté aux autres sont des qualités qui doivent être au coeur de notre société et bien entendu de l’acte théâtral. Depuis le début du mois de juin, nous avons repris les répétitions de notre prochaine création, Le Jeu des Ombres de Valère Novarina, et nous pouvons mettre en lumière combien nous sommes une métaphore du monde.
Alors il ne reste qu’à vous attendre, cher public… Pour partager nos interrogations, nos intuitions et nos rêves. Le théâtre est le lieu où les Hommes parlent aux Hommes, ici et maintenant.
C’est un temps privilégié de partage dont chacun peut mesurer l’importance aujourd’hui.
Le théâtre doit être le lieu de la projection, de l’imagination. Pas celui de l’imitation, mais celui de l’invention de la réalité. Pour être véritablement théâtre, le théâtre doit, d’une manière ou d’une autre, être infidèle à son étymologie, c’est-à-dire le lieu d’où l’on observe. Et c’est peut‑être l’aspect le plus intéressant de sa nature : le fait théâtral transcende son aspect linguistique et, à travers ce détachement, aussi son aspect visuel. Parce que le théâtre ne se limite pas à regarder et écouter des acteurs qui parlent et se déplacent sur scène.
Le théâtre est fondamentalement la manifestation physique de quelque chose qui se déroule devant un public d’individus en chair et en os, au-delà du langage et des signes visuels.
Cette expérience, qui est comme une réalité renforcée, nous permet de comprendre qu’il y a autre chose autour de nous, en plus de ce que nous voyons et entendons. Quelque chose qui échappe souvent à nos yeux et à nos oreilles, précisément parce que les images et les mots le cachent. Le théâtre nous dit que la réalité n’est pas ce qu’ils nous font voir ou entendre ; la réalité est ce que chaque spectateur et chaque spectatrice, avec son imagination, ressent et crée à tout moment.
Jamais comme en cette période où les théâtres ont fermé, le théâtre ne s’est autant ouvert à nos vies. Pas seulement parce que le monde entier est une scène, ni juste parce que la vie est un rêve, ni encore parce que les rêves aident à vivre ; mais parce que nous avons tous éprouvé en ces temps bouleversés le besoin de réinventer le théâtre de notre vie, la cérémonie de nos existences.
Puissions-nous vite retrouver ces lieux de confinement volontaire qui nous aident à accepter le monde.
Je suis heureux de partager avec vous cette saison qui, si elle reste encore une énigme dans sa réalisation, porte clairement et avec coeur le projet dont j’ai rêvé pour le TNP. Je suis honoré de l’ouvrir avec Peter Brook et de la clore auprès d’Ariane Mnouchkine. Ces deux immenses artistes sont des phares qui nous guident dans les tempêtes.
Une constellation d’artistes brillera à leurs côtés : Macha Makeïeff, Joël Pommerat, Georges Lavaudant, Laurent Pelly, le Turak Théâtre, familiers de vous tous ; Lilo Baur, Tiphaine Raffier,
Margaux Eskenazi, Séverine Chavrier, François Hien, que je suis heureux de vous faire rencontrer ; la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton, le traducteur André Markowicz, le chorégraphe Thierry Thieû Niang, qui ouvriront des chemins de traverse ; et enfin, des orfèvres de la scène pour la jeunesse, à découvrir en famille. Je ne peux tous les citer, mais tous me sont chers ; j’espère qu’au fil de cette saison, ils le deviendront pour vous. »
Jean Bellorini
Découvrez toute la programmation 2020-2021
Shakespeare Resonance / Why ? / Carte blanche à Sonia Wieder-Atherton / Jeanne / Ça ira (1) Fin de Louis / Exposition Ce soir oui tous les soirs / Et le cœur fume encore / Incertain Monsieur Tokbar / La Réponse des Hommes / Le Jeu des ombres / Laïka / Hors la loi / Pop-up, un fossile de dessin animé… / Onéguine / Two Old Women / Harvey / Carte blanche à André Markowicz / Salade, tomate, oignons / Le Roi Lear / La Troupe éphémère / L’Affaire Correra / Nous sommes repus mais pas repentis / Bijou bijou, te réveille pas surtout / Lewis versus Alice / Cinq spectacles de la Biennale de la danse / Les Trois Mousquetaires, La Série / As Comadres