L’Espèce humaine ou L’Inimaginable
- Création
Du au
salle Jean-Bouise
1h15 du mardi au samedi à 20h30 sauf jeudi à 20h, dimanche à 16h, relâche le lundi
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À propos
À l’origine de ce spectacle, il y a L’Espèce humaine de Robert Antelme. Récit, poème, essai, témoignage essentiel dont chaque page est la vie même, arrachée, préservée et comme sauvée de l’enfer. Au départ, il y a le besoin de chanter l’épopée d’un revenant, le retour, le regard, le silence, l’effroi des vivants face à cet Orphée mourant, et les gestes qui ont rendu possible l’expression d’une pensée fondamentale : l’appartenance de tous les êtres humains à une espèce commune, indivisible.
Comment raconter le mythe du retour et le chant du revenant sans présenter l’enfer ? Le chercher dans la fiction, le décrire par métaphore ? Cherchant l’écho tragique plus que le détour, Mathieu Coblentz opte pour le meilleur, qui semble ici le pire : la description fidèle et pointilleuse de l’assassinat de masse, méthodique, raisonné, industrialisé, par le meilleur témoin, appliqué à décrire autant que frappé par la réalité. L’Enfer de Treblinka de Vassili Grossman pose l’horreur du XXe siècle en fond historique du destin particulier de Robert. Sur cette toile saisissante se détachent le récit de Dionys Mascolo, qui raconte l’extraordinaire évasion de son ami dans Autour d’un effort de mémoire ; et celui de Marguerite Duras qui, dans La Douleur, raconte l’attente puis les soins prodigués à son mari ravi à la mort.
L’équipe réunie par Mathieu Coblentz prend le parti de décrire l’enfer, avec beauté mais par les vrais mots – SS, nazis, Juifs, mort, chambres à gaz –, comme elle ose déployer le réel en tragédie antique : portées par Mozart et son Requiem, les voix s’élèvent vers l’humanité comme vers le sacré, obligées à se grandir pour mieux voir, mieux entendre. Pour rappeler, en ces temps de guerres, ce qu’est véritablement la raison humaine employée à détruire une partie de ses semblables, de ses égaux. Pour imaginer, aussi, qu’un avenir est possible après le meurtre, et pour voir la lumière. Lumière toujours fournie par la fabrication de récits communs à tous, accessibles à tous, et qui nous font nous reconnaître « chacun responsable de tout et de tous, et moi plus que tous les autres », comme l’affirme Emmanuel Levinas. Pour espérer, enfin, que l’amitié véritable et concrète, entre individus comme entre peuples, soit au fondement du rapport à autrui.
Audiodescription
→ jeudi 26 janvierPlus d’infos sur la page Infos pratiques
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Biographies
Robert Antelme
Né en 1917, Robert Antelme entre dans la Résistance en 1943. Il est arrêté par la Gestapo puis déporté d’abord à Buchenwald, puis à Dachau d’où il fut libéré le 29 avril 1945, à la limite de l’épuisement. De retour en France, il cherche aussitôt à tirer de sa détention dans les camps de concentration un récit qui, au-delà d’un témoignage, constitue une réflexion sur la nature profonde de l’humanité. Dans l’Espèce humaine, publié en 1947, il met en lumière ce paradoxe qui finit par avoir raison de l’entreprise de destruction des nazis : en cherchant à nier l’humanité des déportés et à prouver leur supériorité sur les autres hommes, les SS aboutirent à l’inverse à montrer la commune appartenance des bourreaux et des victimes à une seule espèce. Il démissionna du Parti communiste français dès qu’il apprit l’existence de camps en Union soviétique ; en septembre 1960, il signa le Manifeste des 121, qui proclamait le droit à l’insoumission pendant la guerre d’Algérie. Il mourut le 26 octobre 1990 à l’hôpital des Invalides, à Paris.
Marguerite Duras
De son vrai nom Marguerite Donnadieu, elle est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, une ville de la banlieue nord de Saigon, alors en Indochine française. En 1932, alors qu’elle vient d’obtenir son baccalauréat, elle quitte Saigon et vient s’installer en France pour poursuivre ses études de droit. Cette enfance en Indochine, puis son déracinement lorsqu’elle rejoint Paris à l’âge de dix-sept ans, marqueront son œuvre. À Paris, elle rencontre Robert Antelme qu’elle épouse en 1939. De cette union naitra en 1942 un premier enfant mort-né. C’est durant cette période troublée qu’elle rencontre Dionys Mascolo. En 1943, Marguerite et Robert Antelme s’installent au 5 rue Saint Benoit, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Le groupe de la rue Saint-Benoit, avec les intellectuels Edgar Morin, Claude Roy, Maurice Nadeau et bien d’autres, se réunit régulièrement. Marguerite entre dans la résistance, via le réseau de Francois Mitterrand, aux côtés de Robert Antelme et Dionys Mascolo. Elle publie alors un premier ouvrage sous le pseudonyme de Marguerite Duras : Les Impudents. En 1944, Robert Antelme est arrêté puis déporté à Dachau. Marguerite s’inscrit au PCF. De 1943 à 1949, elle écrit ses Cahiers de la guerre. Après le retour de déportation de Robert, elle poursuit ce journal. C’est le deuxième cahier, écrit entre 1946 et 1948, qui contient ce qu’elle publiera sous le titre de La Douleur, en 1985. À la libération, Robert Antelme retrouve son épouse ; il est dans un état critique. En 1947, Marguerite Duras divorce et se remarie avec Dionys Mascolo dont elle aura rapidement un enfant prénommé Jean. En 1950, elle est exclue du PCF pour antistalinisme. Elle publie Un Barrage contre le Pacifique puis Le Marin de Gibraltar. Elle se lance dans le cinéma, avec l’écriture des dialogues d’Hiroshima mon amour d’Alain Resnais ou à travers la réalisation. À côté de son travail romanesque, cinématographique et théâtral, elle mène une activité journalistique féconde. Par la multiplication de ses activités, elle obtient une reconnaissance nationale. Politiquement marquée à gauche malgré l’abandon de sa carte de membre du PCF, elle milite activement contre la guerre d’Algérie et signe le Manifeste des 121. Elle publie les romans Le Vice-Consul ou Le Ravissement de Lol V. Stein. Active dans les évènements de mai 1968, elle poursuit la diversification de ses activités théâtrales en écrivant la pièce L’Amante anglaise, mise en scène par Claude Régy en 1968 au TNP. En 1984, L’Amant est récompensé par le Prix Goncourt.
Dionys Mascolo
Écrivain, philosophe, essayiste, éditeur et acteur, il est né en 1916. Défini comme « ami » par nombres d’intellectuels – Maurice Blanchot, Albert Camus, Elio Vittorini, il place effectivement l’amitié, le lien à l’autre, à l’homme, au cœur de sa pensée politique et philosophique, dès son Introduction à des œuvres choisies de Saint-Just (parue en 1946) et jusque dans Le Communisme qu’il publie en 1953. Membre fondateur du Comité d’action contre la poursuite de la guerre en Afrique du Nord, il rallie, influence et inspire les mouvements libertaires et égalitaires aujourd’hui encore. Relisant la lettre que lui adressa Robert Antelme en 1945, il publie Autour d’un effort de mémoire, évocation du retour de Robert Antelme.
Mathieu Coblentz
Après des études d’histoire et de philosophie, il se forme aux techniques de la scène à l’école Claude Mathieu. Parallèlement, il dirige un lieu artistique parisien, La Vache Bleue. En 2005, il fonde la compagnie des Lorialets et monte avec Keziah Serreau et Agnès Ramy Jean et Béatrice de Carole Fréchette. En 2012, il écrit et joue Notre Commune, histoire méconnue racontée sur un char, sous la direction de Caroline Panzera. Il met en scène plusieurs spectacles dans l’espace public (Les Crieuses publiques, La Visite express, Le Triporteur). La compagnie est accueillie en résidence durable par le Théâtre du Soleil.
Mathieu Coblentz joue et travaille notamment sous la direction de Marie Vaiana, Sylvie Artel, Hélène Cinque, Ido Shaked ou Jeanne Candel. Depuis 2005, il prend part aux créations de Jean Bellorini à différents postes : régisseur dans L’Opérette d’après L’Opérette imaginaire de Valère Novarina, comédien dans Tempête sous un crâne d’après Victor Hugo, collaborateur artistique pour La Dernière Nuit et L’Orfeo de Monteverdi, créés au festival de Saint-Denis, ainsi que pour La Cenerentola de Rossini à l’Opéra de Lille, Erismena de Cavalli au festival d’Aix-en-Provence, 1793 avec la Troupe éphémère du Théâtre Gérard Philipe, Kroum de Hanokh Levin au Théâtre Alexandrinski de Saint-Pétersbourg et Rodelinda de Händel à l’Opéra de Lille puis à Santiago du Chili.
En 2019, il fonde la compagnie Théâtre Amer qui intervient au Théâtre de Cornouaille, scène nationale de Quimper. En 2021, il adapte et met en scène Fahrenheit 451 d’après le roman de Ray Bradbury. Le spectacle est présenté au TNP dans le cadre du Centenaire du théâtre. Il recrée Notre Commune, histoire méconnue racontée sur un char, qu’il interprète aux côtés de Vincent Lefèvre. Après L’Espèce humaine, son prochain spectacle sera Peter Pan, créé en novembre 2023, à partir de l’œuvre de Sir James Matthew Barrie.
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Distribution
avec Mathieu Alexandre, Florent Chapellière, Vianney Ledieu, Camille Voitellier, Jo Zeugma
dramaturgie Marion Canelas
collaboration artistique et scénographie Vincent Lefèvre
lumière Victor Arancio
manipulation en scène Pascal Gallepe
son Simon Denis
construction du décor et confection des costumes les ateliers du TNP
construction de la voiture Philippe GauliardLe texte de Dionys Mascolo Autour d’un effort de mémoire est publié aux éditions Maurice Nadeau.
Le texte de Marguerite Duras La Douleur est publié chez P.O.L.
Le texte de Vassili Grossman L’Enfer de Treblinka est publié aux éditions Arthaud.
• production Théâtre Amer ; Théâtre National Populaire
• coproduction Théâtre de Cornouaille – scène nationale de Quimper ; Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne ; Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge ; Le Canal, Théâtre du pays de Redon, scène conventionnée d’intérêt national art et création pour le théâtre ; Théâtre André Malraux, Chevilly-Larue ; Centre culturel Jacques Duhamel, Vitré (en cours)
• avec le soutien de la DRAC Bretagne – ministère de la Culture ; de la Région Bretagne ; du Conseil Départemental du Finistère ; de L’Archipel – pôle d’action culturelle de FouesnantEn partenariat avec :
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Documentation
- Télécharger Le programme de salle (PDF, 728 ko)
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Rendez-vous
- Théâtromôme
→ garderie artistique le temps du spectacle
dimanche 15 janvier
- Les jeudis du TNP
→ prélude
jeudi 19 janvier à 19h
→ rencontre après spectacle
jeudi 19 janvier
- Théâtromôme
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La presse en parle
Par ces différents écrits, le spectacle reconstitue les événements infimes et gigantesques qui ont conduit au retour d’Antelme parmi les vivants. Dans un décor astucieux permettant plusieurs espaces de jeux, y compris en hauteur, trois jeunes comédiens donnent corps aux mots de Duras, Mascolo et Grossman, savamment entrecroisés.
Le Progrès, Nicolas Blondeau – 17 janvier 2023La mise en scène de Mathieu Coblentz se dévoile sous la forme d’un triptyque : d’un côté le bureau de Dionys Mascolo, au centre l’enfer du camp avec les musiciens qui composent les chœurs, et enfin l’appartement du couple, la douleur. La scène est baignée dans un clair-obscur magnifique. Une lumière mince qui fragmente l’espace comme cette parole fragile qui se bat pour exister dans l’obscurité. Intense.
Exit Mag, Adrien Giraud – 17 janvier 2023
Une mise en scène de toute beauté
Mathieu Alexandre, véritable double de Gossmann, Florent Chappellière, émouvant Mascolo et Camille Voitellier, bouleversante Duras, déploient leur talent avec une belle dextérité.
L’œil d’Olivier, Marie-Céline Nivière – 15 janvier 2023Comédiens et musiciens sont tous à louer.
Après Fahrenheit 451, ce nouveau spectacle de la compagnie Théâtre Amer que dirige Mathieu Coblentz poursuit plus avant et avec force son exploration-interrogation des points de fractures du XXe siècle et de leur héritage aujourd’hui.
Le Club de Mediapart, Jean-Pierre Thibaudat – 17 janvier 2023Chaque période est précédée et suivie d’extraits du Requiem de Mozart joués au plateau par Vianney Ledieu et Jo Zeugma, chantés de manière solaire par Camille Voitellier, celle-là même qui incarne Marguerite Duras, mise en son par Simon Denis. Comme des respirations. Tous les comédiens sont saisissants.
Les Trois Coups, Trina Mounier – 19 janvier 2023