Cinquante années de TNP villeurbannais

Illustration Photo en noir et blanc de la façade du TNP.

Depuis sa création en 1920, le TNP avait toujours été parisien, dirigé successivement par Firmin Gémier (1920-1933), Jean Vilar (1951-1963) et Georges Wilson (1963-1972). En mars 1972, le ministre des Affaires culturelles Jacques Duhamel propose à Roger Planchon, alors directeur du Théâtre de la Cité à Villeurbanne, de prendre la succession de Georges Wilson à la direction du TNP, au Palais de Chaillot, à Paris. Mais Planchon n’envisage pas de quitter Villeurbanne. En 1972, donc, après de longues négociations, il obtient que son aventure artistique se poursuive à Villeurbanne, dans le bâtiment du Théâtre de la Cité. Celui-ci est rebaptisé par les trois mots qui ornent encore son fronton « Théâtre National Populaire ».

L’inauguration de la scène et de la salle rénovées a lieu le 19 mai 1972 avec Le Massacre à Paris de Christopher Marlowe, créé pour dix-huit représentations[1]. Roger Planchon y joue le duc de Guise, sous la direction de Patrice Chéreau. Les deux artistes et co-directeurs, aux côtés de Robert Gilbert, donnent ses premières couleurs au TNP « de Villeurbanne ». Ils veulent faire de l’ancien Théâtre de la Cité une « maison » animée par deux artistes, entièrement dédiée à la création de spectacles. La Dispute, Lear, Peer Gynt, Le Tartuffe… Pendant quatorze ans, Patrice Chéreau et Roger Planchon montent une vingtaine de spectacles qu’ils jouent sur la plupart des scènes de France et dans des festivals internationaux. Ils invitent une quinzaine d’équipes à créer, parmi lesquels Bruno Boëglin, Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, Bob Wilson, Claude Régy, et font venir des spectacles signés par Tadeusz Kantor, Pina Bausch, Antoine Vitez ou Ariane Mnouchkine. Décentralisé à Villeurbanne, le TNP devient ainsi l’un des principaux rendez-vous théâtraux d’Europe.

Sous la direction de Georges Lavaudant (1986-1996), les spectateurs se familiarisent avec des matériaux littéraires d’auteurs plus contemporains. Ils goûtent à un art du théâtre musical et imagé, à une manière d’inventer, avec les outils du théâtre, un imaginaire qui se mêle à l’œuvre représentée. Puis, à partir de 2002, Christian Schiaretti renoue avec le projet vilarien. La programmation met en exergue les grands textes classiques, tout en s’ouvrant au répertoire contemporain. Les missions d’enseignement et d’actions culturelles se renforcent. En 2011, après trois années de conséquents travaux, le théâtre rouvre, sous le patronage de Victor Hugo avec Ruy Blas. La révolution esthétique hugolienne résonne à merveille dans une salle où le public est réuni comme dans un écrin.

L’État n’est pas fait pour diriger l’art, mais pour le servir. Et il le sert dans la mesure où ceux à qui il en confie la charge le comprennent

, disait André Malraux. Les directeurs successifs du TNP, accompagnés par leurs équipes, ont su suivre cette voie. Tous ont participé à l’édification et au développement d’un théâtre de création en portant une attention aiguë à tous les publics, en veillant à faire de la maison TNP un lieu ouvert à tous et toutes. Depuis 2020, Jean Bellorini poursuit la quête d’un théâtre populaire et poétique ancré à Villeurbanne, tout en renouant avec la tradition européenne et internationale du TNP. Sa création récente Il Tartufo, avec les acteurs du Teatro di Napoli-Teatro Nazionale, est un premier pas sur ce chemin.

Faire du TNP une maison ouverte à tous et toutes, « un refuge » comme dirait Ariane Mnouchkine, n’a jamais été aussi urgent.

Au gré de ces cinquante années de TNP à Villeurbanne, le TNP est devenu, pour certains un lieu de souvenirs de grands moments de théâtre ; pour d’autres, il est un endroit de découvertes. Et si les portes de ce théâtre peuvent être intimidantes à franchir la première fois, l’équipe du théâtre veille à ce que les spectateurs et spectatrices puissent se sentir familiers à ce lieu. Nous travaillons en ce sens.

On ne saurait le répéter suffisamment : le TNP est avant tout un théâtre de service public. Et tout ce qui a été entrepris dans ce TNP « villeurbannais » s’inscrit dans la suite directe des actes posés par Firmin Gémier et Jean Vilar.

À l’heure où des coupes de subventions menacent d’affaiblir encore plus de nombreux lieux d’art et de création, le TNP se doit de placer ce cinquantenaire sous le signe d’une solidarité envers celles et ceux qui œuvrent pour déployer la culture, ce bien à jamais essentiel à l’humanité, notre trésor intime et collectif.

L’équipe du TNP.

Le récit complet de l’arrivée du TNP à Villeurbanne par Michel Bataillon est à lire dans le Bref#5, novembre-décembre 2021.
https://www.tnp-villeurbanne.com/bref-journal-5-lhistoire-reste-a-ecrire-et-a-dessiner/

[1] Voir Archive © INA, Producteur, Paris : Office national de radiodiffusion télévision française (ORTF), 1972.